Après un premier album certifié classique, le retour du MC de Queensbridge était l’un des évènements les plus attendus du microcosme hip-hop. Nas confirmerait-il son statut de meilleur plume new-yorkaise, ou alors ne serait-il qu’un épiphénomène de plus comme cette culture en a trop connu? La pression est donc grande pour Nasir Jones au moment de la livraison de ce second opus. Entre une presse dithyrambique à son endroit et un public qui place en lui d’énormes espoirs, le rappeur joue la carte de l’ouverture avec le single
If I Ruled The World (Featuring
Lauryn Hill des Fugees, qui à l’époque avaient réalisé de très bonnes ventes avec le très controversé
The Score) lancé en éclaireur. Tout le monde l’ignore encore mais ce titre est presqu’à lui tout seul un résumé de l’album. Refrain chanté accrocheur, mélodie empruntée à
Kurtis Blow, arrivée en grande pompe des
Trackmasterz, thème qui n’est pas sans rappeler le
World Is Yours du premier album et rimes toujours aussi accrocheuses. Dans la foulée, on apprend que
Dr Dre produira un son sur cet album. De quoi dérouter les hip-hop heads les plus radicaux de l’époque pour qui Dr Dre=gros sons commerciaux. Le public est donc assez divisé au moment ou
It Was Written arrive dans les bacs.
Une première écoute rapide nous permet de réaliser que Nas a clairement voulu évoluer en ne livrant pas un
Illmatic bis.
DJ Premier ne produit qu’un seul titre
I Gave You Power, le reste étant principalement l’oeuvre des
Trackmasterz (
L.E.S.,Poke, Tone). La présence de
JoJo du groupe
Jodeci (à l’époque en pleine gloire) sur
Black Girl Lost ne manque pas de décontenancer plus d’un. Les refrains chantés sont à l’honneur et les samples sont beaucoup plus accessibles que sur le précédent opus. Sans compter qu’au niveau des textes, Nas s’aligne sur la mode New-yorkaise de l’époque en innervant ses lyrics de références aux films de gangsters, en se rebaptisant Nas Escobar (en référence au célèbre trafiquant de drogue Pablo Escobar) et en arborant la panoplie du parfait mafioso (vêtements de haute couture, cigare et belles voitures) dans ses vidéos. Le mythe du street poet en prend un coup . Mais il convient de passer outre ces idées arrêtées pour réellement apprécier cet album.
L’intro nous transporte dans le Queensbridge cher à Nasir Jones (Il avait déjà déménagé cependant). Dès le premier titre
The Message, les bases de l’album sont clairement posées. Un sample de
Sting efficace, une performance en tout point remarquable et un refrain fait de scratches de
DJ Kid Capri (Aussi célèbre à l’époque qu’un
Green Lantern ou un
Whoo Kid). la première surprise vient de
Street Dreams dont le refrain reprend
Eurythmics. Étrange quand on sait que ce titre parle de rue, mais preuve que Nas est loin de vouloir se fermer musicalement, n’en déplaise aux pseudo-puristes.
I Gave You Power passe alors presque pour une étrangeté au vu de ces deux prédécesseurs. Les autres titres suivent sans qu’on sente la qualité faiblir jusqu’au surprenant
Nas Is Coming produit par
Dr Dre. Introduit par un dialogue sur la guerre East Coast/West Coast, on est loin du banger G-Funk que le seul nom du bon docteur laissait présager. L’excellent
Afirmative Action lui succède avec brio. Titre fondateur de
The Firm et première apparition officielle de
Cormega au passage (avant leur brouille).
Havoc livre deux productions dans son registre habituel (hardcore à souhait),
The Set Up et le sombre
Live Nigga Rap sur lequel il s’invite en combinaison avec son acolyte de
Mobb Deep,
Prodigy. Passons le peu captivant
Black Girl Lost et arrêtons nous sur
Shootouts, titre sur lequel Nasty Nas accélère son débit et livre une très bonne performance. L’album se conclut avec le déjà cité
If I Ruled The World.
Un disque assez critiqué au moment de sa sortie pour ses divergences d’avec le premier et les raisons évoquées plus haut, mais d’excellente facture. Pas un classique, mais un album qui pose les bases de son futur musical.
17/20