CLASSIQUE. Il n’y a pas d’autres mots pour définir le premier set de Nasir Bin Olu Dara Jones. Un bien pour un mal dans la mesure ou tous ses projets suivants seront jugés à l’aune de ces neufs titres (je ne compte pas l’intro) devenus intemporels. Il faut bien reconnaitre que Nas n’a jamais fait mieux.
Suivi de près depuis son apparition sur le mythique
Live At The BBQ de
Main Source en 1991, le jeune MC mettra tout de même pas mal de temps à émerger. Un featuring sur le
Back To The Grill de
MC Serch lui ouvrira les portes de Columbia Records. Un bon titre (
Halftime) sur la B.O. du film
Zebrahead et voilà Nasty Nas prêt à se lancer dans le grand bain.
Chose rare pour un album réalisé à cette époque, le casting de producteurs est d’une qualité rare.
Large Professor,
DJ Premier,
Pete Rock,
L.E.S et
Q-Tip (qui faisait ses débuts en tant que concepteur musical il est vrai) viennent concocter les instrus sur lesquels Nas s’illustrera. Rappelons qu’à l’époque les architectes musicaux étaient peu nombreux sur les projets (il n’y en avait souvent qu’un seul). Quand on constate que cette formule gagnante est de règle aujourd’hui (au point que la liste des prodos est souvent plus importante que le contenu des textes), pas besoin de chercher pourquoi cet album est considéré comme novateur.
Mais la musicalité de l’album, n’est pas seule en cause.
Illmatic est avant tout un véritable bijou lyrical ou Nas atteint des sommets. Une maitrise de la rime qu’on ne retrouvait que chez
Rakim, des phases de très haute volée mais surtout une véracité sans égale.
Illmatic n’est pas un de ces épisodes de plus du Black CNN cher à
Chuck D. Pas de vocation politique ou de volonté de vouloir changer les choses dans cet album, juste un florilège de constatations et une analyse lucide de la vie des quartiers difficiles américains. Un album de rue, pour la rue, parlant de rue et transpirant la rue. Ainsi pourrait on résumer ce disque dont l’influence ne s’est jamais démentie au sein du microcosme hip-hop.
Dès l’entame de l’album, on prend direct une grosse claque avec la première pépite
N.Y. State Of Mind, un titre fondateur de la fructueuse association Nas-Primo. La boucle de piano et les rimes affutées du street poet resteront à jamais dans les esprits. Ce morceau nous transporte directement dans les rues de QB.
Life’s A Bitch suit ensuite sans aucune baisse de régime.
AZ, seul invité de l’album y lâche un refrain d’anthologie et se met au niveau du Nas qui livre comme d’habitude sur ce skeud, une performance de haut niveau, tant au plan lyrical que rapologique.
The World Is Yours,
Halftime (Déjà présent sur la B.O. de
Zebrahead ), le sublime
Memory Lane (Un des tous meilleurs titres de Nas, tout albums confondus) et
One Love lettre adressée à
Cormega à l’époque incarcéré (ils se sont embrouillés depuis). Deux notes plus “légères” (Au vu de leur qualité, c’est plus une vue d’esprit qu’autre chose)
One Time 4 Your Mind et
Represent, avant de terminer sur le magnifique
It Ain’t Hard To Tell.Un classique ultime de par son influence scripturale (Les thèmes abordés dans cet album sont devenus ceux par excellence des backpackers et des tenants du rap hardcore) et musicale (On a rarement vu un DJ Premier aussi en verve et encore moins un tel casting de producteurs de talent ayant tenu leur rang). En bref, il n’y a rien a jeté sur cet album qui est tout simplement indispensable à la discothèque de tout hip-hop head digne de ce nom. Les ventes ne furent peut-être pas mirifiques au moment de sa sortie (une preuve de plus que les ventes ne sont pas un gage de qualité), il bénéficie tout de même d’une solide réputation dans le milieu (
The Source, à l’époque bible du hip-hop, lui avait décerné la note de “5 mics”, une première dans l’histoire du magazine) et sert de sujet de comparaison à toute la production rapologique depuis lors.
Pour le dixième anniversaire de la sortie de l’album, une réédition agrémentée de remixes et de deux inédits
On The Real (produit par
Marley Marl) et
Star Wars (produit par
Large Professor) fut commercialisée.
19/20